3 Nouveaux défis à relever par les grands groupes industriels

L’exemple de l’écosystème d’innovation sur la mobilité durable du MCB Openlab

Par Romain Rampa

Quels sont les nouveaux défis que les grandes organisations et groupes industriels doivent relever dans un monde globalisé, connecté, changeant et faisant face à de nombreux problèmes complexes ? Telle est la question ambitieuse qui est abordée par notre invité, Érik Grab, vice-président de l’anticipation stratégique, l’innovation et le développement durable chez Michelin.  Érik Grab est aussi l’un des fondateurs de l’Open Lab MCB, un écosystème innovant et collaboratif de partenaires industriels et d’acteurs académiques qui a pour mission de penser, d’innover et d’influencer collectivement le futur de la mobilité durable. Il nous propose aujourd’hui de regarder et de tenter de relever 3 grands défis qui se posent pour les organisations qui se veulent innovantes, proactives et résilientes.

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[toggle title= »5@8 Créatif de Mosaic avec Érik Grab » open= »yes »]

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Défi 1 : L’anticipation stratégique

Au fondement de l’anticipation stratégique se trouve une nécessité d’aller creuser et explorer les besoins latents ou non résolus du marché en répondant à la demande sociétale. Il faut prévoir, anticiper, non seulement pour être proactif sur le marché, mais aussi pour être à la fois plus adaptatif et réactif face aux nombreuses mutations possibles: règlementaires, technologiques et sociétales. L’anticipation stratégique, nous dit Erik Grab, est une obligation de l’entreprise pour dépasser la seule intuition des dirigeants en employant des méthodes systématiques pour réfléchir et identifier les nouveaux segments de valeurs, et mettre en marche une vision stratégique favorisant la pérennité des organisations.

Ces méthodes d’exploration, de prospective peuvent être déployées en groupe restreint ou en s’ouvrant à l’extérieur, en intégrant des non-experts du domaine, des clients, mais aussi des partenaires d’autres industries. L’on retiendra parmi elles l’approche par scénarios des futurs possibles, plus ou moins désirables, pour travailler et envisager de nouvelles opportunités. Cependant, notre invité nous met aussi en garde contre les trois difficultés majeures de l’anticipation stratégique dans les grands groupes : 1) Un partage parfois difficile de la vision ; 2) La complexité des grands groupes a intégré des réflexions nouvelles ; 3) Le manque d’une boite à outils spécifique au-delà des outils qu’offrent le marketing et la stratégie.

 

Défi 2 : La transformation organisationnelle

Si anticiper et penser le futur n’est pas chose facile, mettre en action les bonnes transformations d’une organisation pour stimuler et accompagner l’innovation est encore plus difficile surtout dans les grands groupes. C’est pourquoi Erik Grab nous dit qu’il est nécessaire de commencer par réintroduire une culture entrepreneuriale et du risque en organisation. Il nous raconte que presque toutes les innovations de rupture qui ont eu lieu à Michelin ont été le fruit d’entrepreneurs internes qui ont dû détourner des ressources de l’organisation et dépenser énormément d’effort pour les faire vivre réellement. Il n’est pas difficile d’imaginer combien de projets porteurs de valeur et d’idées nouvelles ont pu être tués dans l’œuf sans le soutien et les ressources nécessaires.

La transformation passe alors par trois pôles principaux de changement. Le premier intervient au niveau de la gestion de l’innovation qui doit être multiple, ouverte et pas seulement centrée sur l’innovation technologique. Le deuxième pôle est celui du changement et du renouvèlement des compétences internes. L’innovation questionne les métiers et compétences d’aujourd’hui, qu’il convient d’actualiser et de transformer par la formation, du mentorat, ou en recrutant à l’extérieur.  Le dernier pôle, enfin, est celui de la culture qui doit être ouverte et orientée vers l’innovation afin de permettre le développement de ruptures, en encourageant par exemple des méthodes plus agiles comme le prototypage rapide ou l’apprentissage par essai successif.

 

Défi 3 : Innover en écosystème

Le dernier défi contemporain, mais pas des moindres, celui d’innover en écosystème. Pour Erik Grab, innover en écosystème est la seule solution pour traiter la complexité, les grands problèmes sociétaux de manière économiquement viable. Il nous explique qu’aucune entreprise seule aujourd’hui ne peut envisager de traiter l’enjeu de la voiture autonome, de l’accessibilité à la mobilité en Afrique, de la mobilité durable connectée et sécuritaire de demain, et de bien d’autres enjeux qui demandent justement d’être pensés et adressés à plusieurs.

La recette de l’innovation en écosystème n’est pas simple, car il faut d’abord un déclencheur, une volonté de travailler ensemble sur des sujets comme la mobilité durable. Pour l’Open Lab MCB, c’est un évènement trisannuel, le Challenge Michelin Bibendum, qui a permis de mettre en place les prémisses et démarrer cette volonté d’innover en collectif. Une fois lancée, il s’agit alors de la faire vive, de l’animer, de l’outiller. Il faut alors mettre en place des temporalités de réflexion, d’action, d’influence, mais aussi profiter des nombreuses initiatives que peuvent amener chacun des collaborateurs de l’écosystème. Finalement, il faut aussi des valeurs communes, des règles qui encadrent et une flexibilité dans l’agenda qui doit pouvoir traiter les nombreux sujets d’intérêt de chacun. Pour l’Open Lab MCB les communautés d’intérêts sont ainsi animées par un leadeur qui décide le sujet, les personnes avec lesquelles il voudrait travailler, le délai, et les outils qui seront utilisés. Deux groupes industriels de l’énergie comme Air Liquide ou Total, qui participent à cet écosystème, pourraient ainsi démarrer deux communautés d’intérêt sur le même sujet avec des partenaires différents et décider de conserver les résultats pour eux nous explique Erik Grab.

À ces trois grands défis Erik Grab apporte donc plusieurs éléments de réponse. De nombreuses questions restent cependant ouvertes comme l’exprime Laurent Simon notre intervenant académique. Notamment celle de ce qui permet un jour à cet écosystème d’être autonome, de vivre de soi et d’être résilient au cours du temps. Ou encore la question des outils pour animer, travailler et permettre aux communautés de pensée et développer des innovations de rupture.

Mais une chose est sure, l’écosystème d’innovation de la mobilité durable n’a pas fini de grandir. Il viendra d’ailleurs se mélanger avec l’écosystème montréalais les 13,14 et 15 juin prochain lors de Movin’on, un évènement rassembleur et phare sur la mobilité durable qui réunira plus de 5000 personnes.