5@8 Créatif – L’écosystème d’innovation

chez Desjardins

 

Par :

Romain Rampa

 

 Suite au 5@8 Créatif de Mosaic du 10 février 2016:

L’écosystème d’innovation chez Desjardins

Présentation: Mathieu Bélisle et Jean-Sébastien Pilon

 

Un écosystème d’innovation dans une coopérative financière ça ressemble à quoi ?

C’est à cette question intrigante que Jean-Sébastien Pilon et Mathieu Bélisle se sont attardés à répondre lors de la conférence de ce 10 février qui s’est déroulée dans une atmosphère chaleureuse au restaurant “Le Cercle” à HEC Montréal.

Dans un secteur bancaire très réglementé, souvent perçu comme traditionnel, la perspective de parler d’innovation et qui plus est d’écosystème d’innovation a de quoi surprendre ! Pourtant, ces jeunes intrapreneurs, de la première coopérative financière du Canada, nous ont prouvé le contraire en nous racontant l’histoire d’une implantation progressive d’un écosystème d’innovation chez Desjardins. Intrapreneurs car, innover, c’est pour eux être à l’écoute, appréhender et traduire des besoins, et surtout être proactif pour susciter des réflexions nouvelles et de faire un gros travail d’action dans l’organisation.

La proximité de la coopérative avec le groupe Mosaic transparaît souvent, déclenchant même des rires quand J-S. Pilon souligne “ Ça rassure l’organisation quand on dit que c’est Mosaic qui nous a conseillé de faire ça”. Mais l’apprentissage ne se fait pas que dans un sens, car leur histoire est finalement une grande leçon pour nous tous.

Ce qu’ils nous apprennent c’est que la transformation progressive d’une entreprise pour que s’y développe un écosystème d’innovation ne se fait pas sans effort ni sans changement. Et ce changement se répercute progressivement sur toute l’organisation jusqu’à ses racines les plus profondes. Au fur et à mesure que l’écosystème se développe, ce sont tous les rôles du management qu’il faut réinventer : support, culture, processus, structure d’accueil et de développement. Comme le dit monsieur Bélisle, il faut mettre en place les bons « leviers pour booster l’innovation».

Retour donc sur les étapes successives qui ont progressivement transformé l’entreprise en développant son écosystème d’innovation

avec “ExentriQ” en 2010, la coopérative commence à construire des communautés à l’interne pour commencer la discussion, échanger et construire sur les thèmes d’innovation. ExcentriQ est alors un observatoire permettant à l’entreprise de faire à la fois de la prospective sur les futurs sentiers qu’elle pourrait explorer, mais aussi de repérer par un travail interne ce qui se fait à l’extérieur pour ramener des potentiels d’innovation. Le succès de cette première initiative se prolongera en 2011 par la mise en place d’une plate-forme collaborative virtuelle, primée de par ailleurs, pour renforcer la démarche.

En 2012, les réflexions et le travail prolongé avec le groupe Mosaic, stimuleront la mise en place d’une communauté de pratique en gestion de l’innovation (Sinov), permettant à des gestionnaires de niveau intermédiaire de débattre et de mettre en œuvre des actions pour renforcer des démarches et des projets innovants à l’interne.

Captant des idées de l’extérieur, notamment au sommet international sur les coopératives de 2012 et des travaux de l’institut de recherche Filene, la coopérative s’inspirera de la démarche “Design Thinking” pour créer les premières de son projet I3 (Idéation, Innovation, Implantation) en septembre 2013. Cette expérience a conduit  plusieurs équipes de 4 ou 5 personnes (en parallèle de leur travail quotidien) à développer de toutes pièces, de l’idée au prototype fonctionnel, un projet innovant en 6 mois pour répondre à un ou plusieurs besoins de la clientèle de la coopérative.

Comme le disent si bien les deux conférenciers, I3 a été pour l’entreprise un véritable catalyseur d’innovation qui a  permis de générer plus de 42 innovations à l’interne dont 10 sont actuellement implantées par le groupe. De plus comme le souligne Mathieu Bélisle, “I3 a produit un bel effet de contamination”, liant des personnes de disciplines diverses et propageant une culture d’innovation dans toutes les strates de l’entreprise.

En parallèle de ces projets, Jean-Sébastien Pilon nous raconte aussi l’histoire de Mythes/Réalités, une initiative qui est née de la prise de conscience que “le réglementaire prenait trop de place et était contraignant pour l’innovation”. La coopérative décide alors de se doter d’un collectif d’experts dans 25 domaines différents, se réunissant régulièrement, pour débloquer les freins aux innovations du groupe financier selon des angles multiples (Juridique, Comptable, Sécurité Financière, Sécurité Technologique…) et accélérer les changements en minimisant les risques pour l’organisation. Pour les conférenciers, Mythes/Réalités, comme espace de débats et d’accélération, a permis à l’organisation de faire des millions d’économies en éliminant des freins que l’organisation avait elle-même créés,.

Si l’on peut penser que l’ensemble de ces projets ont déjà bien armé la compagnie pour capitaliser sur l’innovation, ces deux intrapreneurs n’entendent pas du tout s’en arrêter là, et cherchent obstinément de nouveaux moyens de répondre aux défis qu’ils observent. S’appuyant sur les démarches d’I3, ils réfléchissent au fait qu’ils ne sont pas “suffisamment outillés pour tester, développer et prototyper rapidement des concepts”. Il leur faut alors penser à un laboratoire permettant d’outiller l’expérimentation qui se concrétisera dans le Desjardins Lab en décembre 2015. Cet espace loin d’être limité aux employés du groupe sera ouvert au public, avec une véritable mission externe: co-créer l’innovation future de la coopérative avec ses clients, mais aussi appuyer les clients de l’entreprise dans leurs démarches d’innovation.

Cette ouverture vers l’extérieur renforce l’écosystème d’innovation de Desjardins à travers une multitude d’initiatives : Hackatons, élargissement du concept porté par le Desjardins Lab à plusieurs lieux et notamment la Maison Notman, ouverture des espaces Desjardins 360d pour accompagner les jeunes étudiants et travailleurs dans leurs projets sans nécessairement faire partie de la coopérative… Inspirer, s’inspirer, s’ouvrir et accompagner des démarches multiples à la fois internes et externes auront sans doute été les maîtres-mots qui ont clos la présentation de nos conférenciers sous les applaudissements de tous.

Réflexions académiques : Desjardins, une illustration parfaite d’un écosystème d’innovation en construction

La discussion s’ouvre sur ce qu’illustre finalement si bien le cas de Desjardins dans une société où la “démocratisation des idées” selon l’expression du prix Nobel, Edmund Phelps, transforme radicalement les organisations.

Cette conférence nous a montré, ce que Patrick Cohendet, discutant académique de la séance, décrit comme: “ La construction étape par étape d’une entreprise qui devient une véritable centrale d’idées.” Ces idées qui peuvent survenir à la fois de l’interne et de l’externe, et qui vont permettre à l’organisation de se transformer, d’être attractive, de se régénérer.

Le co-directeur de Mosaic revient aussi sur l’ouverture récente de Desjardins à l’externe. Fonctionner en écosystème d’innovation affecte l’entreprise jusqu’à ces modèles, l’obligeant à s’ouvrir à des communautés extérieures, à consulter et travailler avec “la foule”, allant même jusqu’à changer les fonctions de l’entreprise pour pouvoir faire de la place à des communautés internes. C’est en gérant à la fois l’ensemble de ces acteurs “formel et l’informel”, que l’entreprise va pouvoir être attractive, véritablement résiliente et trouver constamment de nouvelles manières de générer de la valeur !